Rosner, Samuel (2023). Importance des frênes pour la biodiversité dans les forêts ripariennes sous influence du castor (Castor canadensis) et de l’agrile du frêne (Agrilus planipennis). Thèse. Gatineau, Université du Québec en Outaouais, Département des sciences naturelles, 160 p.
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Résumé
Avec l’invasion de l’agrile du frêne (Agrilus planipennis) en Amérique du Nord, les frênes (Fraxinus spp.) sont fortement menacés, et la grande majorité de ceux-ci sont voués à disparaitre dans les années à venir. En forêt tempérée décidue, les frênes peuvent être un genre dominant des forêts ripariennes. Ces forêts sont considérées comme des zones écologiques très importantes, puisqu’elles constituent l’interface entre deux milieux et qu’elles jouent de nombreux rôles écologiques. Elles sont par ailleurs connues pour abriter une biodiversité animale et végétale importante. La disparition subite d’un genre qui peut être dominant dans ce type de forêt a donc le potentiel d’agir significativement sur la biodiversité de ce milieu, et les fonctions écosystémiques qui en découlent. On sait aussi que les frênes sont des essences qui peuvent être appréciées par le castor (Castor canadensis), un rongeur qui influence considérablement la structure des écosystèmes ripariens. Par leur sélection alimentaire, les castors peuvent en effet façonner la composition forestière, en favorisant les essences qu’ils évitent et en défavorisant les essences qu’ils sélectionnent. Le rôle charnière que les frênes pourraient jouer dans la dynamique des colonies de castors et dans le maintien d’une biodiversité particulière au sein des forêts ripariennes n’a pas fait l’objet d’études spécifiques. La disparition du frêne a aussi le potentiel d’affecter les communautés d’invertébrés, non seulement par la modification subite de la structure de la forêt, mais aussi par la disparition de la litière de frêne qui est connue pour sa labilité, ce qui pourrait faire diminuer la vitesse de décomposition de la litière dans les forêts ripariennes. Cette question n’a pas non plus encore fait l’objet d’études spécifiques : dans la littérature, les études semblent se focaliser principalement sur les effets de la modification structurelle de la forêt, et sur certaines familles d’invertébrés uniquement. Pour tenter de répondre à ces différentes questions, nous avons effectué trois études distinctes au parc national de Plaisance, qui seront présentées sous forme de trois chapitres dans ce doctorat.
Le premier chapitre de ce doctorat vise à évaluer la place exacte des frênes dans le régime alimentaire du castor, et à déterminer comment le comportement alimentaire du castor pourrait être modifié par leur disparition. Il a pu être démontré que le frêne était bien la ressource alimentaire la plus importante pour les castors parmi celles disponibles. En effet, seules deux autres essences (le charme, Carpinus spp. et le peuplier, Populus spp.) avaient plus de probabilité d’être consommées que les frênes, mais leur faible abondance dans le parc ne leur permettait pas d’être considérées comme les ressources alimentaires les plus importantes. Nous avons également pu démontrer que les gaules de charmes pourraient voir leur probabilité de consommation augmenter avec la disparition des frênes matures. Par ailleurs, si les gaules de frênes diminuaient en abondance, ou disparaissaient, il est possible que la probabilité de consommation des érables matures, des gaules de tilleuls et de charmes puisse diminuer. Cependant, ce dernier effet pourrait, en réalité, être dû à un cas de compétition apparente.
Le deuxième chapitre de ce doctorat avait pour but de déterminer si la disparition des frênes avait la capacité de diminuer les densités de population de castor. Ce mammifère étant une espèce sociale et territoriale, ses densités de population peuvent être régulées par la taille du groupe, la taille du territoire, ou les deux. Nous avons pu mettre en évidence que la densité des frênes sur les territoires influençait positivement la taille du groupe, mais pas la taille du territoire, ce qui est surprenant pour une espèce aussi territoriale. La disparition des frênes est donc susceptible de faire décroitre les populations de castors dans les forêts ripariennes dominées par cette essence.
Finalement, dans le troisième chapitre, nous avions comme premier objectif de déterminer si le frêne était bien l’essence qui influençait positivement la labilité dans une litière composée majoritairement de frêne et d’érable (Acer spp.). Deuxièmement, nous voulions déterminer si en plus des effets de la modification de la structure forestière qui sont connus, la modification de la litière avait la capacité d’influencer les communautés d’invertébrés. Nous avons pu déterminer que la vitesse de décomposition de la litière était effectivement en grande partie déterminée par le pourcentage de frênes dans celle-ci. Par ailleurs, nous avons pu montrer que les frênes, probablement par leur litière, influençaient les communautés d’invertébrés : les assemblages de familles étaient différents suivant la proportion de frênes dans la canopée, démontrant que certaines communautés associées aux frênes sont singulières. Enfin, certaines familles avaient une diversité taxinomique influencée positivement pas la vitesse de décomposition de la litière, ce qui implique que la disparition des frênes pourrait avoir des effets négatifs sur la biodiversité à l’échelle des forêts ripariennes.
L’ensemble de la thèse a permis d’établir que la disparition des frênes va très probablement diminuer la densité de population de castors et modifier leur comportement alimentaire, ce qui entraînera des conséquences sur la dynamique forestière. Par ailleurs, si les frênes étaient remplacés par des arbres ayant une litière moins labile, cela pourrait très certainement affecter négativement la biodiversité des invertébrés du sol. Bien qu’il ne soit pas possible de déterminer précisément à quoi ressembleront les forêts ripariennes du futur, ce doctorat aura permis de mettre en évidence que dans les forêts où il est abondant, le frêne constitue une espèce clé de voûte tant pour la biodiversité animale que pour la composition forestière, par l’entremise de son effet sur les castors.
Type de document: | Thèse (Thèse) |
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Directeur de mémoire/thèse: | Lorenzetti, François |
Co-directeurs de mémoire/thèse: | Dupuch, Angélique |
Mots-clés libres: | Agrile du frêne; Frêne; Forêts ripariennes; Castor d’Amérique; Invertébrés; Forêt tempérée; Perturbation |
Départements et école, unités de recherche et services: | Sciences naturelles |
Date de dépôt: | 24 nov. 2023 16:25 |
Dernière modification: | 24 nov. 2023 16:25 |
URI: | https://di.uqo.ca/id/eprint/1572 |
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