Michaud, Renée et Bernier, Amélie (2025). Diagnostic de la présence des femmes dans l'industrie métallurgique ai Québec : contribution au dialogue social sur l'équité, la diversité et l'inclusion. [Rapport de recherche]
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Résumé
Comme plusieurs autres secteurs d’activité économique au Québec et au Canada, l’industrie de la première trans¬formation métallurgique au Québec (SCIAN 331), ci-après l’industrie métallurgique, fait face à un important défi de disponibilité de main-d’oeuvre qualifiée. Une des straté¬gies pour faire face à cette rareté est de se tourner davan¬tage vers des bassins de main-d’oeuvre non traditionnels, notamment les femmes, lesquelles sont actuellement sous-représentées dans cette industrie. L’intégration et le maintien des femmes dans les emplois traditionnelle¬ment masculins dans ce secteur passent par une action collective et concertée des acteurs.
La recherche que nous avons menée en collaboration avec le Comité sectoriel de main-d’oeuvre de la métallur¬gie du Québec (CSMO-M) en 2022-2023, visait à brosser un portrait de la situation des femmes dans l’industrie métallurgique sous l’angle de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (EDI). Cette recherche s’est appuyée sur une re¬vue de la littérature scientifique et professionnelle, l’ana¬lyse de données statistiques, un sondage en ligne auprès des employeurs et des représentants syndicaux de cette industrie, ainsi que des entretiens et des groupes de dis¬cussion avec différents acteurs du secteur. Une recension des conventions collectives a également été effectuée pour identifier et répertorier les clauses relatives à l’EDI ou les mesures principalement destinées aux femmes.
Représentation des femmes
Le premier objectif était de brosser un portrait de la re¬présentation de la main-d’oeuvre féminine dans l’indus¬trie. Selon les données du Recensement de la population de 2021, les femmes représentaient 12,72 % de la main-d’oeuvre de l’industrie métallurgique, un peu plus de ce qui a été indiqué par le CSMO-M dans son dernier diagnostic sectoriel de 2022 (8,52 % de femmes). Cette faible pré¬sence place les femmes dans une position de token au re¬gard des travaux de Kanter (1977), en particulier dans les emplois de production. Les perceptions des répondants à l’égard de cette sous-représentation divergent : près de 60 % des représentants d’employeurs la considèrent pro¬blématique, tandis qu’elle l’est pour seulement le tiers des répondants syndicaux.
Facteurs pouvant expliquer la sous-représentation
Le deuxième objectif visait à identifier et à comprendre les facteurs explicatifs de la sous-représentation des femmes. Les acteurs de l’industrie métallurgique ont identifié des obstacles qui sont cohérents avec ceux re¬censés dans la littérature pour l’industrie manufacturière en général et pour d’autres secteurs majoritairement mas¬culins. Ce sont principalement la disponibilité limitée des femmes, leur manque de connaissances ou d’intérêt pour le secteur de la métallurgie et ses métiers, la pénibilité du travail, les horaires contraignants ainsi qu’une culture organisationnelle homogène et parfois sexiste. D’autres obstacles identifiés dans le diagnostic sectoriel du CSMO-M en 2022, à savoir les perceptions selon lesquelles l’industrie ne serait pas adaptée aux femmes et le faible nombre de candidatures féminines, l’ont aussi été dans notre recherche. Bien que la littérature identifie plusieurs pratiques organisationnelles comme étant des obstacles potentiels à la sous-représentation des femmes, peu de ces pratiques sont reconnues comme telles par les em¬ployeurs du secteur, à l’exception des biais inconscients et des préjugés des gestionnaires et recruteurs.
Pistes de solution et d’action
Le troisième objectif visait à identifier des pistes de solu¬tion et d’action pour favoriser l’intégration et le maintien en emploi des femmes dans le secteur. Plusieurs pra¬tiques d’inclusion sont mises en oeuvre dans les entre¬prises pour aplanir les obstacles mentionnés précédem¬ment et favoriser l’inclusion des femmes. Pour démontrer leur engagement organisationnel formel, plusieurs entre-prises procèdent à une forme quelconque de diagnostic de la situation des femmes dans leur organisation et cer¬taines se fixent des objectifs en matière d’EDI. En ce qui a trait aux pratiques de dotation, plusieurs entreprises four¬nissent des efforts pour mieux faire connaître l’industrie et leur entreprise, affichent plus clairement leur ouverture aux femmes lors du recrutement, allant même jusqu’à participer à des projets pilotes visant à former et embau¬cher uniquement des femmes. De plus, une majorité des entreprises mettent en place un processus d’accueil et d’intégration formalisé, auquel participe parfois le syndi¬cat. En matière de processus et de conditions de travail, plusieurs entreprises mènent des analyses ergonomiques du travail, fournissent des outils et des équipements pour réduire les tâches nécessitant une force excessive, pour¬suivent leurs efforts pour installer ou améliorer les ins¬tallations sanitaires pour les femmes et leur fournir des équipements de protection individuelle (EPI) adaptés à leur morphologie. Seulement un tiers des entreprises a instauré des mesures de conciliation travail-vie person¬nelle accessibles à tout le personnel. En ce qui a trait au climat de travail et à la culture organisationnelle de di¬versité, toutes les entreprises participantes ont élaboré et implanté une politique de prévention du harcèlement, la majorité des entreprises a mis sur pied un comité de femmes et le tiers des entreprises organise des ateliers de sensibilisation à l’inclusion. Les pratiques d’accompa¬gnement individuel des femmes telles le jumelage et le mentorat sont peu présentes, tout comme les pratiques de progression de carrière.
L’implantation des pratiques par les entreprises du secteur est hétérogène, certaines les utilisant depuis longtemps tandis que d’autres les initient. Dans tous les cas, il semble que peu d’entreprises aient mesuré l’impact de ces pra¬tiques sur la représentation et l’inclusion des femmes.
Une autre manière d’implanter des pratiques d’inclusion est d’introduire dans les conventions collectives négo¬ciées certaines dispositions pouvant contribuer à l’EDI. Or, il appert que ces dispositions ne sont que très rare¬ment formulées pour répondre aux besoins particuliers des femmes. Les clauses liées à l’EDI les plus fréquentes portent sur l’interdiction de discrimination et du harcèle¬ment au travail, ainsi que sur la disponibilité de congés variés pour faciliter la conciliation travail-vie personnelle. Aucune des conventions collectives que nous avons ana¬lysées n’a mentionné la présence d’un comité de femmes ou d’un comité d’EDI.
Conditions facilitant l’inclusion
Le quatrième objectif de ce projet était de répertorier les conditions facilitant l’implantation de pratiques d’inclu¬sion et contribuant à surmonter les obstacles à la pré¬sence des femmes. L’évolution des valeurs sociétales et l’intolérance accrue face au sexisme et à la discrimina¬tion, de même que les initiatives sectorielles pour faire connaître le secteur et favoriser les partenariats avec les organismes d’employabilité des femmes sont toutes des conditions qui ont été identifiées comme facilitant l’inclu¬sion des femmes en emploi. Au niveau organisationnel, l’appui et l’engagement de la direction, des services RH et de tous les gestionnaires, ainsi qu’une communication efficace, semblent être des conditions essentielles pour assurer l’intégration réussie des femmes.
Rôles et responsabilités des acteurs dans le dialogue social en matière d’EDI
Le dernier objectif consistait à documenter les rôles, les responsabilités et l’engagement des principaux acteurs impliqués dans le dialogue social. Les acteurs de l’éco¬système de la métallurgie impliqués dans les questions d’EDI peuvent être divisés en cinq catégories : 1) les employeurs; 2) les employés et les syndicats; 3) les ins¬tances gouvernementales dont Services Québec, les dif¬férents ministères et les institutions d’enseignement; 4) les organismes sectoriels dans lesquels les employeurs et les syndicats sont paritaires comme le CSMO-M et la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT); et 5) les autres acteurs socio-économiques dont les organismes d’employabilité. Dans l’industrie métal¬lurgique, l’EDI n’est pas l’objet d’une discussion formelle, et plusieurs acteurs intervenant pour favoriser l’EDI ne sont pas invités au dialogue social en cours. Pourtant, l’EDI peut être un catalyseur qui renforce la collaboration entre les acteurs pour faciliter l’adaptation du secteur aux transformations en cours. Toutefois, ce dialogue ne sera efficace que si tous les acteurs concernés participent ac¬tivement à l’élaboration de solutions concrètes et adap¬tées au secteur. Une mobilisation collective et élargie est indispensable afin de transformer les initiatives isolées en actions concertées, visibles et efficaces.
Conclusion et recommandations
En conclusion de ce rapport, nous avons formulé dix re¬commandations à l’attention des acteurs de l’écosystème de l’industrie métallurgique au Québec impliqués dans le dialogue social, en particulier le CSMO-M dans son rôle de facilitateur. Ces propositions visent à les guider dans le choix et l’implantation de solutions efficaces et pérennes, non seulement pour renforcer la présence des femmes dans ce secteur, mais aussi pour enrichir l’in¬dustrie d’autres formes de diversité. Les limites du projet que nous avons exposées ne viennent néanmoins pas remettre en question le portait présenté et les recomman¬dations qui en découlent.
Type de document: | Rapport de recherche |
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Départements et école, unités de recherche et services: | Relations industrielles |
Date de dépôt: | 17 avr. 2025 18:22 |
Dernière modification: | 17 avr. 2025 18:22 |
URI: | https://di.uqo.ca/id/eprint/1772 |
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